Karaté – Maître China Teikichi Okinawa -1994

Shorin ryū Chinen karaté dōjō 小林 知名定吉空手道場    那覇市首里石嶺3-222 

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↑ Vue extérieure du dōjō (1er étage) ・外から建物を見た写真です ・1994・平成6年。

Lors de notre première rencontre, il m’avait paru assez méfiant ; il faut dire que de voir arriver débouler comme ça , d’un seul coup chez lui un étranger grimpé sur une moto tout-terrain semble l’avoir passablement surpris.

Après tout un tas de questions sur le « pourquoi du comment » au sujet de ce Français  pratiquant le karaté, venu en tout terrain à Okinawa via le ferry; il faut dire qu’au début des années 90 les Américains mis à part ( principalement des Gi’S stationnés sur l’île) , les Occidentaux ayant la chance de pouvoir visiter les dōjō(s) insulaires n’étaient pas nombreux. Nous n’en étions pas encore aux années des  » stages et vacances martiales ». L’avantage que je possédais alors, et qui faisait la différence, c’était de pouvoir parler la langue.  Une fois le contact solidement établi, il s’est montré affable et prévenant.

Le premier jour, méfiant il m’avait autorisé à visiter le dōjō mais m’avait interdit de prendre des photographies des lieux.  Cependant les jours suivants il m’avait lui même demandé de sortir mon appareil photo… De là les quelques photos souvenir affichées sur cette page (il y en a d’autres en réserves) Je suis contents d’avoir pu réaliser ces clichés car les photos du maître et du dōjō, qui n’existe plus maintenant, ne semblent pas bien nombreuses à êtres sorties des albums et des tiroirs.

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↑ Maître China alors âgé de 75 ans ・知名定吉先生 (1923-2014) 

Nous n’étions ni à l’ère du téléphone portable ni d’internet; il était intrigué de savoir comment j’avais pu trouver l’emplacement de son dōjō. j’ai répondu simplement par  » l’annuaire téléphonique » et…. l’aide d’une personne âgée à qui j’avais demandé mon chemin dans un méandre de petites ruelles.. Cette dernière avait tenu à m’accompagner jusqu’à destination et avait insisté pour monter en croupe sur ma moto … Mon passager devait bien avoir plus de 80 ans… je m’inquiétai un peu car le siège d’une tout-terrain est assez élevé et demande un effort pour s’y hisser; mon passager y était arrivé sans trop de difficultés … Une fois arrivé à bon port, le petit monsieur n’avait même pas voulu que je le raccompagne . .J’étais un peu gêné de l’avoir dérangé mais lui était tout sourire d’avoir pu me guider.

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↑ Vue intérieure du dōjō avec le râtelier d’armes de kobudō・道場内の写真

La langue , est une clef; la sincérité en est une autre et je pense que le maître China a dû la trouver au fond de mon regard car dès le jour suivant il fit montre, à mon égard, d’une grande attention ; rameutant pour le lendemain … En pleine journée ! … tous ses  élèves. Élèves qui de fait ont dû prendre sur leur travail ou leurs études une journée de repos uniquement pour répondre à la demande du maître suite à ma visite inopinée…

J’ai eu droit à une démonstration de leurs talents et des précisions sur plusieurs techniques. Je me souviens qu’il m’avait demandé d’exécuter un kata et qu’il m’avait fait la remarque, qu’il trouvait les positions trop basses; ce qui m’avait surpris étant donné que mon maître de Tokyō, lui, me demandait toujours de prendre garde à toujours abaisser le centre de gravité à la limite technique du soutenable (celle qui ne nuit pas à la vitesse des déplacements) Le maître enseignait le style Shorin 小林 (dit kobayashi) Style passant pour avoir des positions plus « aériennes » que les styles Gojū ou Uechi.

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Après le cours nous sommes restés à parler du karaté et des armes du kobudo d’Okinawa; pour être plus précis, disons que lui parlait pendant que moi j’écoutais. Parfois, à la fin de ses exposés,  je lui demandais de préciser tel ou tel passage.  Quel enrichissement, quelle découverte, quelle fraîcheur !

Il me dévoilait des passages de sa vie, de sa jeunesse et de la pratique des arts martiaux, dont le passage suivant qui est assez surprenant :

Jeune, le maître China n’hésitait pas à tester ses techniques dans les lieux malfamés de Naha où les forts en gueule et les gros bras ne manquaient pas. Bien avant lui Motobu Choki, entre autre, avait été un adepte des confrontations réelles car lui aussi avait toujours voulu pratiquer un karaté collant à la dure et limpide réalité, celle enrichissante dont on se souvient toujours et qui fait souvent très mal… Ce n’est pas un secret ; le corps et l’esprit réclament en permanence des choques de diverses intensités pour progresser lucidement et hors des sentiers de l’imaginaire fourvoyeur.

De ce goût prononcé pour ces virils joutes, il avait failli perdre la vie suite à un coup qui aurait pu lui être fatal, il avait reçu un violent coup de bouteille sur la tête. Coup qu’il n’avait pu ni bloquer, ni esquiver. Son crâne gardait le souvenir de l’impact, un traumatisme crânien. Un souvenir caché sous le cuire chevelu qu’il m’avait fait palper et qui m’a alors surpris tant l’affaissement crânien me semblait important… il s’en était remis sans consulter un médecin… et s’était ensuite entraîner encore plus vaillamment qu’il ne le faisait auparavant. Quand je l’ai rencontré , il avait 75 ans et vivait encore avec ce stigmate qui aurait pourtant dû, à mon avis, pouvoir bénéficier d’une opération chirurgicale.

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↑ ↓ Démonstration du style Shorin ryū par les élèves du Maître.型の演武中。

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Nous posons pour la photo souvenir devant le râtelier ・1994・平成6年

Sur cette photo j’ai fait l’erreur de me placer à la gauche du maître et qui est en fait la place d’honneur … j’avais alors encore beaucoup de chose à apprendre sur  les us et coutumes de la politesse martiale et de la politesse tout court …

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L’histoire du karaté Okinawaïen  沖縄空手の歴史 Christian Faurillon -フォーリヨン・クリスチャン ©2015

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